Mattia Bonetti & Diurne, une collaboration tout en poésie.
Designer et décorateur, Mattia Bonetti crée des collections de meubles et d’objets en pièces uniques ou en séries limitées. Ce qui ne l’empêche pas de signer également de nombreux intérieurs privés ou publics, tout en développant des produits industriels. Son style, selon lui indéfinissable et versatile, est particulièrement créatif et rigoureux. Il se veut, selon les cas, baroque ou épuré, mais toujours poétique et faisant la part belle à l’artisanat de haute facture. Les créations de Mattia Bonetti, pour Diurne, sont le résultat d’une véritable alchimie et d’une collaboration exigeante qui s’inscrit dans une démarche créative et respectueuse vis à vis de l’artisanat de luxe. Ces deux univers s’entremêlent et proposent des interprétations contemporaines originales de tapis-tableaux.
Comment est née votre collaboration ?
Dans le cadre de certains de mes projets, notamment pour le décorateur Francis Sultana, à Londres, j’ai été amené à faire appel au savoir-faire de Diurne pour la réalisation de plusieurs tapis sur mesure. Suite à cela, notre actuelle collaboration s’est faite tout naturellement, au fil du temps.
Comment s’est-elle déroulée ?
Très bien, pour ma part. Marcel et son équipe m’ont fait confiance et m’ont laissé carte blanche, quant aux pièces à réaliser. J’ai imaginé de nombreux dessins, nous en avons retenu 7, qui ensuite ont été transférés sur ordinateur afin de pouvoir les faire fabriquer dans leurs ateliers, au Népal. Je me suis senti très libre et à l’aise dans cette collaboration car je n’avais aucun doute sur la qualité très fine et très subtile du rendu final. Ce qui est d’ailleurs le cas de tous les tapis qu’éditent Marcel Zelmanovitch et Diurne. Il y a une telle densité dans les motifs, dans la manière dont ils sont noués, il s’agit là d’un travail remarquable.
Pourquoi parler de série, pas de collection ?
Dans le cas présent, il s’agit bien plus d’une série de tapis, que d’une collection. Car qui dit collection, sous-entend un thème ou un fil conducteur. Or, seuls deux tapis (Castor et Pollux) pourraient fonctionner comme une paire, les autres sont plutôt disparates.
Que représente le tapis pour vous ?
Dans un intérieur, le tapis peut vraiment être important et donner le ton à une pièce. On peut ensuite travailler autour. Un tapis n’est pas seulement un fond, mais peut quasiment être un tableau. Par ailleurs, imaginer un tapis est un exercice très différent de celui de travailler sur du mobilier ou des objets. Il n’a que deux dimensions et il est pour moi lié à une image, une couleur, voir même à une époque. Lorsque je travaille sur un nouveau design de tapis, j’aime privilégier les grands formats qui laissent place à d’avantage de créativité.
Qu’est ce qui vous a inspiré ?
N’est-il pas salutaire de se réinventer quelques fois ? Quant à ce qui m’inspire ? Tout, une couleur, une forme, un mot, un objet, c’est sans limite. Par exemple, Aéras découle d’une commande privée réalisée précédemment par Diurne pour l’un de mes chantiers. J’ai aimé, ici, faire sortir le tapis de son cadre. Néro en revanche, est le tapis de la discrétion. L’idée était de travailler sur du presque monochrome. L’effet obtenu est d’ailleurs très technique. Castor et Pollux sont plus graphiques et géométriques, ce sont des frères, presque des jumeaux. Ils peuvent être complémentaires pour qui le souhaite. Pour Fotia, aux couleurs feu, je voulais quelque chose qui soit à la fois réel et abstrait, tout en laissant entrevoir l’idée d’une l’écaille de tortue. Gi est né de gribouillages automatiques que je fais lorsque je parle au téléphone. Il a été réalisé à partir d’un mélange de laine et soie. Je voulais un rendu semblable à un vase grec, d’où les dessins noirs sur un fond terracotta. Avec Rhéa, j’ai voulu créer un tapis plus exubérant et très décoratif. J’ai pour ce faire repris le principe d’un tapis réalisé pour l’appartement de Francis Sultana, à Londres, qui était encore plus grand que celui ci.
Vous avez dessiné chacun de vos tapis …
Oui en effet, j’ai réalisé tous les dessins. Venant de l’industrie du textile, c’est un travail qui me plait beaucoup, ponctuellement. Je fais d’abord de premières petites esquisses avant de finir par une maquette très précise… J’aime travailler à l’ancienne, comme vous l’avez dit.
Cet exercice de création a été différent…
C’est exact. Généralement, les tapis que j’imagine sont faits pour un endroit précis, que j’aide à construire ou à compléter. Avec Diurne, mes tapis vont avoir une vie autonome en s’intégrant dans des lieux sur lesquels je ne serai à priori pas intervenu.
Vos réalisations sont poétiques et douces…
C’est de beaux compliments que vous me faites là ! D’abord parce qu’en effet, j’adore la poésie et que l’idée que cela se ressente dans mon travail me touche. Sans prétention aucune, j’aime l’idée de pouvoir insuffler dans mes créations une forme de rêve, de réflexion sans prise de tête, de douceur et de punch aussi.
Vos tapis-tableaux ont des tailles hors norme
Oui, bien évidemment, et ce même si la force de ces tapis réside beaucoup dans les motifs qu’il ne faudrait pas trop réduire. En revanche, ce sera du cas par cas. Certains pourront sans aucun souci être re-dimensionnés, mais pour d’autres, il faudra revoir le dessin, car l’idée ne sera pas simplement de réduire la taille, cela le rendrait banal et lui ôterai son caractère majestueux.
Quel est votre coup de coeur dans la série ?
C’est difficile à dire. Mais si j’avais un lieu très personnel à réaliser, je choisirais sans doute « Rhéa ».
Comment Marcel Zelmanovich décrit-il ?
J’aime en effet donner une impression de vertige. N’être jamais dans quelque chose de trop sûr, de trop confortable. J’aime pousser les limites et sortir du cadre. Travailler avec des artisans d’art me permet d’avoir cette liberté. Le contraire, pour moi, serait absurde. Mais je ne nie pas que, de l’exercice de la contrainte, peut naitre un résultat tout aussi interessant.